TROISIEME ROMAN de CORNELIE – JUILLET 2017 « Les Ailes de Hasard »
Chapitre un (extrait)
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N’avez-vous jamais ressenti cette frustration de ne pas être comprise ?
Le récit que je vais vous livrer m’est arrivé et se compose d’une suite de longues expériences à partager parcimonieusement.
Je me pose souvent cette question essentielle : pourquoi suis-je si différente du commun des mortels ?
À cette interrogation, je me dis que toute personne est unique et de ce fait se sent bien évidemment particulière et originale. Grâce à cette compréhension, s’éloigne de moi tout sentiment de comparaison.
Mon histoire personnelle sort des sentiers battus.
Cette phrase me fait souvent rire, car les sentiers que je vais être amenée à fréquenter seront d’un ordre assez stupéfiants.
Ce mot illustre mon incapacité de démonstration scientifique de la chose expérimentée.
Oui, j’ai testé en quelque sorte une vérité jamais démontrée. Elle doit pouvoir se répéter à tout moment, pour être prouvée scientifiquement.
Or cela n’est pas dans mes possibilités.
De quoi vais-je vous parler ?
Avant d’aborder le sujet principal de ma narration, je me présente à vous et me sens dans l’obligation de vous exposer la personne ou les personnes qui me composent.
Il y a l’enfant qui sommeille en moi, prêt à bondir pour me faire comprendre que tout est possible si je le désire ardemment, qui se réveille bien trop souvent à mon goût.
Puis, il y a l’adolescente, la rebelle, qui de temps en temps trouve le monde tellement injuste qu’elle se met à haïr de toutes ses forces les obligations dues à ce titre honorifique de « future adulte ». Ce titre difficilement acquis au bout d’une vingtaine d’années tente de trouver des raisonnements valables, capables de faire taire les deux autres entités qui cohabitent en moi.
Mais elles ne se livrent jamais au mutisme.
Aussi j’accueille les pensées des trois entités qui me composent, je me sens tantôt l’une, tantôt l’autre, en fonction de la situation qu’il m’est donnée de vivre.
J’ai eu des parents merveilleux.
Ils le sont toujours restés.
Ils m’ont offert un prénom magique.
Je me prénomme Fleur et viens de fêter mes vingt-sept ans.
Mes parents ont choisi ce prénom il y a presque trois décennies pour que je puisse distribuer des arômes de délicatesse et de tendresse à chacune de mes rencontres.
Je me délecte de porter fièrement ce prénom, il est court, attractif, je peux constater l’impact de bonheur qu’il offre dans sa résonance première.
Rencontrer une fleur, c’est toucher du doigt la perfection espérée, signée du Divin.
Lorsque je prononce mon prénom, je m’émerveille de voir dans les reflets de l’iris de mon interlocuteur, une certaine joie qui dilate sa pupille et ouvre son cœur.
Mes parents avaient choisi de m’offrir un très beau cadeau de naissance : celui de distribuer des sourires, tout au moins au début de chacune de mes présentations.
Cerise sur le gâteau, il me fut offert de venir au monde un dimanche, jour de fête, entourée de brassées de fleurs autour de mon berceau lorsque les premiers invités furent conviés à me rencontrer.
Mes parents furent extrêmement fiers de présenter leur petit bout de chou de quelques heures, en clamant haut et fort : voici notre « Fleur » !
Mais le petit être que j’étais, à l’aube de cette nouvelle vie ne fut pas entouré d’un bonheur absolu.
Effectivement je devais expérimenter les affres du corps humain avec tous ses déboires physiques.
La jaunisse du nourrisson me transforma en fleur « soleil » ! Comble du chic…
Un tournesol plus vrai que nature s’inscrivit sur la peau de mon visage. Couleur jaune-orangée, laissant apparaître quelques taches blanches rappelant que ma couleur initiale était bien celle-ci.
Cette couleur soleil ressemblait d’ailleurs étrangement aux champs de blé peints par van Gogh que j’allais aduler plus tard, essayant même de recopier certaines de ses toiles admirables.
De fleurs, il en sera question tout au long de ma vie, comme si mes parents avaient été inspirés par mon ange gardien, venu leur susurrer au creux des oreilles ce doux prénom prémonitoire.
Car cet Etre de lumière savait mieux que quiconque l’impact de ce prénom dans ma vie. Accompagnée d’un destin étrange.
Peut-être était-ce mon âme désincarnée qui lui avait indiqué ce choix définitif ?
Je crois bien que oui.
Vers l’âge de cinq ans, j’étais devenue une adorable petite boule de tendresse perchée sur deux petits pieds de trois pouces, distribuant à toute volée des bisous et des enlacements intempestifs.
Une petite fille épanouie, heureuse de vivre.
Fière d’être entourée de deux parents l’aimant plus que tout. Ainsi pour redistribuer cet amour inconditionnel, je connaissais plus d’une centaine de noms de fleurs !
C’était étonnant pour les autres.
Pour moi c’était naturel.
Je m’appliquais à les apprendre par cœur pour ensuite pouvoir les réciter à haute voix devant mon père, passionné de botanique. Féru sur le tard, il tenait fièrement à me transmettre cette passion née chez lui au moment de ma naissance.
Comme si le choix de ce prénom l’avait influencé.
Je le pense fortement.
Ainsi, j’étais honorée de pouvoir lui rendre hommage en clamant des mots savants.
Car les noms de fleurs de mon père devait se déclamer lentement afin de ne pas trébucher sur la prononciation latine extrêmement compliquée.
Je ne rechignais jamais à m’extasier devant la description minutieuse de papa devant telle ou telle fleur.
Quel engouement, quel savoir ancestral magnifiquement recopié depuis cinq années, retranscrit dans de grands cahiers scolaires à petits carreaux qu’il gardait soigneusement dans les cinq tiroirs de son bureau en merisier.
Chaque fleur était archivée, en premier lieu séchée quelques semaines, puis collée sur la page de gauche de son cahier gigantesque.
Sur la page de droite, une description minutieuse des caractéristiques visuelles de la fleur était inscrite, allant jusqu’aux merveilleuses applications médicales physiques et psychiques, toutes surlignées au stabilo rose ou jaune.
La visée curative de centaines de fleurs lui était communément accessible.
Mon père, fier de son savoir, distribuait à qui voulait l’entendre quelques conseils avisés d’utilisation de ses chères découvertes ancestrales.
Le goût du jour étant plutôt à la chimie, il se délectait de contrecarrer la mode. Conscient de l’abandon injustifié de ces médecines dites « douces ! »
Perchée sur mes petites chaussures de vernis noirs, du haut de mes cinq ans, j’étais fière d’accompagner mon cher papa dans ce combat.
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